La culture des microbrasseries au Québec
L’autre Révolution tranquille!
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Voir le programmeAvec actuellement plus de 300 permis de brassage actif au Québec, il est difficile d’imaginer l’époque (pas si lointaine) où il n’y en avait que 3, détenus par Molson, Labatt et O’Keefe! En moins de 40 ans, le paysage brassicole du Québec s’est transformé. Les microbrasseries ont redéfini la culture et les habitudes de consommation partout dans la province, passant de pionnières à moteurs d’innovation. Retour sur une révolution qui s’est opérée en trois grandes phases.
Texte de SYLVAIN BOUCHARD, sommelier en bière
1986 à 2000 : Les pionnières
L’expression microbrasserie, apparaît au Royaume-Uni dans les années 1970. Elles font leur apparition aux États-Unis et au Canada anglais au début des années 80.
Ici, c’est en 1986 que deux brasseries de l’Estrie, Massawippi et Lion d’Or, obtiennent des permis de brassage, marquant la première délivrance depuis plusieurs décennies. Le robinet de la révolution brassicole s’ouvrira le 1er juillet, avec la première bière non industrielle contemporaine servie en fût, au pub du Lion d’Or à Lennoxville. Suivront l’année suivante, Le Cheval Blanc à Montréal et L’Inox à Québec.
C’est l’éveil de l’intérêt pour les premières bières artisanales, alternatives goûteuses inédites aux produits proposés par les grandes brasseries industrielles.
La quasi-totalité des microbrasseurs n’ont pas de salon de dégustation, proposent qu’UNE SEULE BIÈRE et seulement en fût. Ils affrontent avec passion de nombreux défis misant sur la qualité et surtout l’originalité.

Laura Urtnowski & Bernard Morin, 2 co-fondateurs de Boréale.
Deux pionnières marquent les esprits :
1988 - L’arrivée de Boréale, première micro à brasser une bière « foncée »: la Rousse. Le vocable « rousse » est une primeur dans la francophonie (!). Elle charme rapidement une vaste clientèle avec son parfum de sucre d’orge et sa douce saveur de malt caramélisé. Elle devient LA référence et la première bière de micro d’ici à influencer l’offre des gros brasseurs qui lancent leur version d’une « rousse ». Souvent imitée, elle ne sera jamais égalée!
1992 - Unibroue arrive et propose les premières bières de types belges refermentées en bouteille brassées en Amérique. Ces bières aux goûts typiques de levures et d’épices, souvent fortes en alcool sont, à l’époque, le summum du « funky » et du « plein goût » !
En 2000, le Québec compte 35 microbrasseries, principalement à Montréal et Québec. Le mouvement prend de l’ampleur et une communauté de passionnés·es se forme autour des établissements proposant ces nouveaux produits (souvent près des cégeps et universités). La bière artisanale commence à se tailler une place dans le cœur des consommateurs·rices.
2001 à 2010 : L’expansion régionale et la montée en popularité des saveurs extrêmes.
Le nouveau millénaire marque une accélération remarquable du phénomène. On assiste à une prolifération des microbrasseries dans toutes les régions : de l’Estrie à la Gaspésie, en passant par la Mauricie et le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ce sont désormais des dizaines d’entreprises qui voient le jour chaque année.
Une fois de plus, cette phase est caractérisée par l’innovation : les brasseurs expérimentent de nouvelles variétés de houblons, des souches de levures de partout sur la planète et les céréales locales. Fini l’époque des couleurs pour désigner une bière. Les nouvelles brasseries proposent désormais des palettes de styles élargies : stouts impériaux, des bières fruitées, des créations saisonnières et surtout, les IPAs font leur apparition. De jeunes brasseurs talentueux et novateurs comme ceux de Dieu du Ciel et Trou du Diable deviennent de véritable « rock stars ». Les festivals de bières et les concours de dégustation se multiplient, offrant une vitrine aux nouvelles saveurs et encourageant la collaboration entre producteurs.
Parallèlement, la distribution s’organise. Les microbrasseries commencent à embouteiller et à mettre en canette leurs produits, élargissant ainsi leur marché au-delà de leur clientèle locale. Les épiceries spécialisées et dépanneurs deviennent des points de vente essentiels. La bière artisanale s’impose dans les restaurants et bars, propulsée par une demande croissante pour des produits authentiques et locaux.
Le règne des IPAs s’impose tranquillement alors que les surettes commencent à peine à nous triturer les papilles.
De 2011 à aujourd’hui : L’âge d’or des microbrasseries et l’éclatement des styles.
Entre 2011 et 2016, le nombre de brasseries double passant de 84 à 171! Les sept années suivantes seront encore plus fulgurantes avec une moyenne annuelle de 30 nouveaux permis … malgré la pandémie!
La dernière décennie marque l’entrée des microbrasseries québécoises dans une ère de maturité. On compte actuellement 311 microbrasseries dans la province, chacune rivalisant d’originalité et de savoir-faire. Les brasseries investissent dans la recherche et le développement, proposant des gammes de produits toujours plus innovantes : bières vieillies en barrique, collaborations internationales, ingrédients du terroir, et surtout l’hybridation des styles.
La nouvelle Mort de Soif de la gamme Épisode est un parfait exemple de ce mélange des genres. Une lager blonde ultra rafraîchissante, mais se présentant généreusement houblonnée au Motueka tel une neipa bien « hazy ».

La clientèle s’est diversifiée, englobant désormais autant les néophytes que les amateurs·rices avertis·es, milléniaux comme boomers. Les médias sociaux jouent un rôle déterminant dans la promotion des nouveautés et la création de communautés virtuelles de passionnés·es. Les microbrasseries s’impliquent dans des enjeux de développement durable, valorisant les circuits courts, l’agriculture biologique et la réduction des déchets.
Au cœur l’identité et de la culture du Québec
Aujourd’hui, la bière québécoise est reconnue mondialement pour sa qualité et son audace. Au cœur de cette évolution, les microbrasseries sont devenues des acteurs incontournables du tissu économique et culturel de la province. Nous sommes témoins d’un phénomène vivant, en constante mutation, où chaque brasseur·e et chaque amateur·e contribue à écrire la suite de cette histoire pétillante.
Santé !